mardi 12 juin 2007

LIBERATION
Rebonds


Tombés au champ du travail
par Françoise Mesnard

Le silence sur les souffrances et les détresses du monde professionnel n’est brisé que par le suicide.
QUOTIDIEN : mardi 12 juin 2007


Le travail est la cause des catastrophes sanitaires les plus importantes actuellement dans notre pays. ­ Drame de l’amiante avec ses 100 000 morts programmés. Suicides en série dans les entreprises, partie émergée d’une souffrance au travail grandissante responsable de véritables épidémies de dépressions et d’épuisement professionnel. Les 15 000 morts de la canicule avaient déclenché déclarations retentissantes, démissions en série, enquêtes parlementaires et dispositions réglementaires. Aujourd’hui, les catastrophes sanitaires liées au travail ne déclenchent qu’un silence assourdissant.

Les veuves de Dunkerque manifestent en vain sur la place publique, les médecins du travail écrivent des livres blancs. Rien. Les morts tombés au champ du travail sont frappés par une loi du silence que rien ne vient lever. Pendant ce temps, dans le secret de nos cabinets médicaux, se raconte la détresse de tous ces salariés dont la dignité et l’estime de soi ont été déglinguées par le travail.

Souffrance indicible tant le travail occupe une place importante pour chacun d’entre nous dans l’épanouissement et la réalisation de soi.

Parce que personne ne peut mettre sa vie entre parenthèses quand il est au travail. Parce que parfois le travail envahit tout l’espace.

Le suicide est le geste ultime de celui qui ne voit plus d’issue et qui n’a plus le courage de continuer.

Alors quand les soucis personnels se surajoutent, c’est l’implosion, le dévissage brutal et incompréhensible pour l’entourage.

Surcharge, pression, complexification, contrôles incessants, procédures ­in­a­daptées, objectifs irréalistes - quotidien de nombreux salariés - sont les causes de cette épidémie.
Dans cette bataille pour bien faire leur travail, les salariés y laissent plus que la sueur de leur front, car la grande majorité y mettent le meilleur d’eux-mêmes.
Et ils y perdent aussi le meilleur d’eux-mêmes.

Face à cette détresse, nul n’est besoin de convoquer psychiatre et gestionnaire du stress. C’est le travail qu’il faut ­convoquer. Car c’est le travail qui est ­malade.

Dialogue autour de la réalité du travail quotidien, aménagement de l’organisation du travail, règles de métier collectives, respect des limites physiologiques humaines, formation et promotion sociale sont les seuls traitements efficaces dans cette nouvelle catastrophe sanitaire qui s’annonce.

Soigner le travail doit être déclaré priorité nationale de santé, et les traitements, mis en œuvre dans chaque entreprise. Vite.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Françoise,
je me suis permise de reprendre ta note sur mon blog. Elle sonne vrai!

Françoise Mesnard a dit…

Chère Marie-laurence,
comme tu l'as compris il faut en parler encore et encore
tu peux le diffuser largement

Anonyme a dit…

Il en est même qui en ont appelé aux candidats(tes) à la dernière élection présidentielle. Peu lui ont répondu.

Jean Luc

Françoise Mesnard a dit…

Pour avoir participer au staffde ségolène sur la question du travail , je peux témoigner de la réalité et de la pertinence de nos propositions que je pourrais résumer en "travailler mieux" en lieu et place du "travailler plus" d'un certain...

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord sur ce point.
Je persiste à dire que dénoncer les conséquences néfastes du travail sur la santé des individus c'est bien, entendre celles et ceux qui en appellent aux garants(tes) potentiels des institutions lorsqu'ils (elles) en sont victimes c'est mieux.

Jean Luc

Françoise Mesnard a dit…

le déni et l'aveuglement sur cette question est effectivement très également partagé... public et privé...c'est pour cela que j'apelle a en faire une cause nationale